Le patient anglais

par Valérie Bouvart, Le Point

 

«La nuit passe longue et seule. J'inquiète dans la chambre abîmée.» Débarquée pour une année d'études dans un Londres «incomprenable», la jeune Chinoise a tout perdu : langue, famille, repères, idéaux(grammes), les roulettes de sa fichue valise made in China et jusqu'à son nom «moi pas prononçable» pour un Occidental. Va, donc, pour Mademoiselle Z ou le supplice anglais d'une Chinoise. Mais c'est compter sans de précieux alliés : un dictionnaire anglais-chinois en permanence à portée de jugeote, un caractère bien trempé ( «Nous, Chinois, si nous ne nécessitons pas de nous battre, alors nous ne savons plus comment vivre») et l'exquis talent de la jeune romancière, poète et cinéaste, bref multidouée, Xiaolu Guo.

Sous sa plume magique (et grâce à la formidable traduction de Carine Laléchère), les tribulations londoniennes de Mademoiselle Z vont prendre la forme d'un insolite et réjouissant dictionnaire intime. Chaque nouveau mot est un étonnement, une expérience, une désillusion (et un chapitre du roman) : brouillard, confondant, best-seller (tiens, tiens...), pub, dérive, pet, fatalité, moi, paradis, humour (anglais) et, bien sûr, idylle... Car l'aplomb, la naïveté et le bel appétit de Miss Z prennent dans leurs exotiques filets un livreur à camionnette blanche du quartier de Hackney, anarchiste et végétarien . Son «patient anglais» l'initie à l'amour et aux arbres- «Nous mêlons nos êtres sous le hêtre» -, à Oscar Wilde, mais aussi au «lourd de la vie». Au fil des mots, des pluies et des déconvenues, le regard spontané et effronté de Mademoiselle Z sur le grand bazar du monde occidental s'aiguise ; et se trouble. «Je me perds de vue», murmure-t-elle dans un charabia plus que parfait

 

Valérie Bouvart

Le Point N°1855 , 3 avril 2008

 

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